Camille Crésut

Poésie

Ce vers est…

Ce vers est mauvais :
Inspiré par un désir factice,
Né de l’envie de briller
D’un besoin de reconnaissance vraie,
Il trahit une blessure triste
Ainsi qu’un orgueil lisse ;
Celui de posséder enfin un talent d’artiste.


Ce vers est touchant :
Evocation mignonne de champs
Peuplés de fleurs sauvages,
Il chante sa naissance
Dans un enclos de pages sages,
A peine entré dans la transe
Il nous laisse sans regrets
A l’extérieur de la danse,
Il attend d’être prêt,
D’oublier sa science,
D’emporter nos consciences.


Ce vers est burlesque
Reflet d’un Je absurde
D’efforts dérisionesques
D’un forgeron sur de
Ne pouvoir rêver à des prétentions dantesques
Il trace ses arabesques, jouit de ses efforts folesques
Se pâme dans cette outrageuse irrévérence du presque
Kurde.


Ce vers est excellent
Sans anicroches
Jamais moche
Juste limpide
Mais trop placide
Ce vers est pédant.


Ce vers est mon corps
Il est mon cœur éventré,
Ma chair retournée dans la lumière crue
Il est mes larmes, mon sang, mon encre
Il est le monde entier
Gobé par nos yeux
Bu par nos sens
Vécu sans modération
Un crescendo de passion
Une chute dans le bruit, avec fracas, douleur et viscères mises à nues
Le point d’acmé où se confondent volupté hargne et félicité
Le point d’ancrage où se dessine l’éternité
Ce vers fait bobo ce vers est-il beau ?